1 Lettre 1 Sourire à la maison de jeunesse de Courbevoie “Ecollectif Briand”

Il faisait un froid de canard, la matinée du 30 novembre, dans la ville de Courbevoie.

Les gens marchaient emmitouflés dans les rues, se pressaient pour rentrer dans les bus, les immeubles ou les cafés pour tenter de trouver un peu de chaleur. Moi aussi, je me pressais pour ne pas geler avant d’avoir présenté l’association 1 Lettre 1 Sourire dans la maison de jeunesse de Courbevoie “Ecollectif Briand” en compagnie d’Hortense, une des dix cousins fondateurs de l’association, que je rencontrerai pour la première fois.

Sources : Le Parisien

J’arrive alors devant le bâtiment. Je sonne. Pendant un moment, je crois que je me suis trompé, personne ne vient. L’air est glacé, je grelotte. Je distingue alors une ombre floue derrière la vitre opaque. Un visage souriant m’accueille. Puis un deuxième. Puis un troisième. On m’invite à entrer. Une chaleur agréable emplit le lieu. La chaleur n’est pas accablante. Elle est comme il faut. Ici, les gens ne hurlent pas, ne courent pas, ne sont pas stressés. Ils chuchotent distinctement, et avec le sourire. On ne se croirait pas à seulement un quart d’heure de la Défense ! Je vois Hortense. On discute, on se prépare. On nous explique que cette journée est à l’attention d’un public jeune, essentiellement au collège et au lycée, mais cette journée s’adresse pour les 11-30 ans. Il y a quelques tables, des jeux de société, des livres. Le lieu est très beau et paraît très moderne. Il y a une “infirmerie-préventive” pour répondre aux questions des jeunes et une salle de théâtre… qui intéresse Hortense.

La salle dans laquelle on se trouve est un endroit où les jeunes peuvent venir étudier et se reposer.

Les gérants nous proposent un café et un pain au chocolat pour bien démarrer la journée. On (re)découvre des associations (France Bénévolat, ATD Quart Monde, Amnesty International…). Je suis surpris de ce que je vois et de ce que j’entends. J’ai l’impression d’être dans une bulle isolée – l’espace d’une journée – du reste du monde. Les bénévoles tendent la main et vont vers vous dans un monde qui peut se montrer un peu plus impitoyable. Je voyais alors le bâtiment de l’Ecollectif Briand comme un bastion, une forteresse qui n’avait pas encore été prise. Et le plus incroyable était qu’il en existe sans doute des milliers d’autres !

Les jeunes arrivent. Ils ont pour consignes de venir aux différentes tables des bénévoles par groupe de trois ou quatre de sorte que les interactions soient plus riches. Des jeunes commencent à s’installer à notre table. Hortense leur explique de manière limpide l’origine de l’association. Ils sont intéressés ; il faut dire que les cousins fondateurs avaient à peu près le même âge qu’eux. À peu près le même âge que moi, aussi. Les cousins à l’origine de l’association avaient entre 15 et 25 ans lorsqu’ils ont créé l’association.

Ça aurait pu être nous…

Il y a quelque chose de fascinant dans la réussite d’un tel projet. Au fur et à mesure qu’Hortense répétait son histoire, je sentais qu’elle devenait davantage qu’un fait réel ; elle déroulait devant moi une sorte de cosmogonie, avec ses différents mouvements, ses péripéties et ses héros. Oui, je sentais que dans cette histoire tout le monde pouvait devenir un héros. Il suffisait d’écrire une lettre – une simple lettre – pour en faire partie. 

Les jeunes posent des questions, ils s’intéressent à l’association. On leur montre les feuilles vierges devant eux et on les invite à écrire une lettre. La plupart d’entre eux sont hésitants au début. Ils ne savent pas quoi écrire. Encore moins à un inconnu. Âgé, en plus ?

Petite inspi’, moyenne inspi’, grande inspi’, dit Hortense en leur montrant une petite feuille jaune, une moyenne feuille bleue et une grande feuille blanche.

Tout le monde prend une petite feuille jaune. Ils se regardent un moment en échangeant des sourires gênés. Et ils se mettent à écrire, silencieusement. Certains choisissent d’écrire à plusieurs. La plupart des jeunes remplissent la feuille qu’on leur a donnée ; certains d’entre eux la retournent pour continuer à écrire. Il faut croire qu’il y a plus à dire à un inconnu que ce que l’on croit au premier abord. On dit aux jeunes qu’ils peuvent plier leurs lettres et y apposer le logo de notre association et qu’on ne les lira pas maintenant. Cela restera un secret jusqu’à la phase de la « relecture » par les membres de l’association (pour éviter les propos malveillants, au cas où). On nous a donné une grande urne dans laquelle mettre nos lettres écrites. Les élèves introduisent leurs lettres quand ils ont fini d’écrire.

À voter !

Il y a quelque chose d’amusant et de sérieux dans ce processus. Je sens qu’il y a intrinsèquement un accord commun. Il s’agit d’un véritable vote ; un moment à part de remerciement de nos aînés pour ce qu’ils ont fait pour nos vies, un moment à part où l’on vote pour qu’ils restent plus longtemps dans nos mémoires, un moment à part où l’on se pose pour mieux témoigner son empathie.

Je regarde de temps à autre le nombre de lettres augmenter une à une derrière la vitre de l’urne en me disant qu’il s’agit à chaque fois d’une pierre de plus à l’édifice que nous sommes en train de construire avec 1 Lettre 1 Sourire et avec toutes les associations qui sont présentes avec nous durant cette journée un peu spéciale.

Il est bientôt l’heure de partir pour nous. On nous annonce la venue d’une jeune femme qui a fait un service civique et dont on nous a parlé dans la matinée. Elle arrive en fauteuil roulant, elle a un handicap de naissance. Cette jeune femme est radieuse, vivante, plutôt bavarde ; elle a 31 ans. Elle a réalisé un atelier d’écriture de lettres durant son service civique. Elle a très envie d’écrire une lettre. Comme tout le monde, elle a un peu d’appréhension devant sa feuille, cette moyenne feuille bleue qu’elle a choisie elle-même. Elle commence à écrire, silencieusement. En raison de son handicap, elle n’a qu’une seule main de disponible. La feuille glisse au fur et à mesure qu’elle écrit. Hortense s’en rend compte. Elle lui propose son aide et maintient la feuille pendant qu’elle écrit pour l’empêcher de bouger. Elle remercie Hortense. Je crois que c’est une image que je n’oublierai pas de sitôt.

Je commence à ranger mes affaires et je jette un dernier un coup d’œil à l’urne. Nous enlevons les lettres qui s’y trouvent avec Hortense. 17 feuilles jaunes. Et 1 feuille bleue. Nous disons au revoir à tout le monde et nous sortons.

Il fait un peu moins froid dehors. Ce fut une belle journée.

Thibault Pouny

Service civique chez 1 Lettre 1 Sourire

Laisser un commentaire