Pendant un mois et demi, j’ai parcouru plusieurs EHPAD avec mon violon. J’y suis allé pour jouer
de la musique, mais je suis reparti avec bien plus que ce que j’ai donné. Ce que j’y ai vécu, je ne suis
pas près de l’oublier. Parmi ces moments, voici ceux qui m’ont marqués.
Il y a des moments qui restent gravés. Un jour, alors qu’on chantait « Joyeux anniversaire » à une
résidente, elle s’est effondrée en larmes. Ce n’était pas de la tristesse, mais une émotion brute, profonde.
C’était comme si cette simple chanson lui rappelait qu’elle comptait encore, qu’on pensait à elle. Je crois
que c’est à ce moment-là que j’ai compris à quel point la musique, même simple, pouvait toucher.
Un autre jour, dans un autre établissement, une résidente m’a confié qu’elle avait joué du violon, il y a très
longtemps. Vingt-cinq ans qu’elle n’avait pas tenu un archet. Je lui ai tendu le mien. Elle a essayé. C’était
maladroit, un peu hésitant, mais il y avait dans son regard une fierté, une émotion que je n’arrive pas
vraiment à décrire. Comme si, pour un instant, elle retrouvait une partie d’elle-même.
Il y a aussi eu cette soirée dans le bar d’un EHPAD, où une chanteuse reprenait des classiques de la
chanson française. Les visages se sont illuminés. Certains fredonnaient, d’autres fermaient les yeux,
replongés dans leurs souvenirs. Il y avait dans ces instants une chaleur, un sentiment d’unité, de partage
entre générations.
Ce qui m’a le plus touché, ce sont ces liens qui se créent, parfois très vite, et qu’on sent pourtant profonds.
Même si on sait qu’on ne se reverra probablement pas. Ces moments m’ont souvent fait penser à ma
grand-mère, elle aussi un peu isolée. Et je me suis demandé ce que ça lui aurait fait, à elle aussi, d’avoir ce
genre de visites.
Je suis venu avec mon violon pour donner un peu de musique, mais ce sont eux, les résidents, qui m’ont
offert quelque chose d’inestimable. Leur présence, leur vécu, leurs silences pleins de sens. Les personnes
âgées ont des leçons à nous transmettre — pas toujours avec des mots, mais avec leur manière d’être, de
se souvenir, de ressentir.
Je repars de cette tournée rempli de gratitude. Et avec une certitude : ces rencontres-là, je ne les oublierai
jamais.